Historique de la ligne POITIERS – JARDRES – CHAUVIGNY

C’est en 1867 que  pris corps le projet d’une ligne devant relier Poitiers à Châteauroux par St. Julien l’Ars, Jardres, Chauvigny, Le Blanc et  Argenton.

Le 23 août 1872, le conseil général de la Vienne vote le classement « immédiat et définitif » en chemin de fer d’intérêt local de 3 lignes, dont celle de Châteauroux à Poitiers par St.Savin, Chauvigny, Jardres et St.Julien l’Ars, et leur attribua une subvention de 5355 F. C’est finalement par la loi du 31 décembre 1875 que cette ligne sera classée en ligne d’intérêt général.

Un premier tracé de la ligne prévoyait qu’elle quittât la ligne de Paris au nord de Poitiers pour passer par Buxerolles, Bignoux, St. Julien l’Ars et Chauvigny.

On lui substitua ensuite le tracé actuel qui, se détachant à Mignaloux-Nouaillé, de la ligne de Limoges, réduisait ainsi beaucoup la longueur de la voie à construire car il empruntait sur 11 km des lignes existantes, il ne restait que 19 km de ligne nouvelle. Finalement après enquête publique ouverte en juin 1878, la déclaration d’utilité publique fut prononcée au début 1879.

Les détails du tracé entre Mignaloux et Chauvigny donnèrent lieu à de nombreuses discussions et interventions des assemblées locales.

Le projet définitif de 19 km 292 entre Mignaloux –Nouaillé et Chauvigny était évalué à 780 000 F. et fut approuvé le 3 décembre 1879.

Les travaux commencèrent en 1881 et furent terminés en mai 1883. Un retard dans la mise en place du personnel repousse cependant au 18 juin 1883 l’ouverture de la ligne POITIERS, JARDRES, CHAUVIGNY.

 

18 juin 1883, Inauguration de la ligne POITIERS, JARDRES, CHAUVIGNY

 

La gare de Jardres

Il aurait put être appelé « Le Désiré », ce premier train qui allait relier Poitiers à Chauvigny. Le journal de la Vienne exprimait bien cette attente : « L’ouverture de la ligne, plusieurs fois annoncée et toujours remise a eu lieu hier lundi » (18 juin 1883).

Le même quotidien, dans ce numéro du dimanche 17 juin avait publié les horaires :

Horaires de Poitiers à Chauvigny    matin - soir - soir

Poitiers –départ  3h 46 - 8h 30 - 5h 24

Mignaloux - Nouaillé  4h 15 -   9h 25 -  5h 55

Savigny l’Evescault   4h 30 -    9h 40 -  6h 10

St. Julien-l’Ars   4h 40 -    9h 54 -  6h 20

Jardres   4h 51 -   10h 09 -  6h 31

Chauvigny – arrivée  5h 05 -   10h 23 -   6h 45

Horaires de Chauvigny à Poitiers     matin - soir - soir

Chauvigny - départ  8h 10 -   4h 15 -  9h 20

Jardres   8h 24 -   4h 35 -  9h 34

St. Julien-l’Ars   8h 31 -   4h 46 -  6h 41

Savigny l’Evescault    8h 39 -   4h 54 -  9h 49

Mignaloux - Nouaillé    8h 47 -    5h 03 -  9h 54

Poitiers  – arrivée   9h 42 -   5h 3 -  10h 14

Le prix des places n’était indiqué que de Chauvigny à Mignaloux – Nouaillé, cette gare étant « commune à l’administration des Chemins de fer de l’Etat et de la Cie de Paris à Orléans » et se trouvant déjà desservie par la voie de Limoges.

Première classe  2,45 F.

Deuxième classe   1,85 F.

Troisième  classe  1,35 F.

Le «  Courrier de la Vienne » n’est guère prolixe sur cette journée d’inauguration. Il se borne à préciser :

«  Lundi, enfin, le service des voyageurs a commencé. Dès le matin, à 4h 15(gare de Mignaloux-Nouaillé) deux voyageurs avec bagages ont pris le train, le premier pour St.Julien l’Ars, le second pour Chauvigny »

 

La gare de Chauvigny

Cet unique passager pour Chauvigny n’a pas été reçu en fanfare et avec discours…

Il est vrai que l’heure d’arrivée (5h 05) pouvait décourager les personnalités officielles et l’Harmonie municipale.

Il faut croire cependant que les usagers furent plus nombreux au cours de la journée puisque le journaliste ajoute « la recette réalisée par la gare de Mignaloux-Nouaillé, pour le 1er jour a été satisfaisante ».

Ce sera en 1885 que la ligne sera prolongée jusqu’à Saint Savin.

Au début les trains desservant  cette ligne partaient de la gare de Mignaloux-Nouaillé. Les voyageurs, de beaucoup les plus nombreux, en provenance ou à destination de Poitiers, devaient  donc  changer de train à Mignaloux, ce qui entraînait une perte de temps importante.

A un vœu du Conseil Général voté à la session d’août 1887, la Compagnie d’Orléans répondit que l’agrandissement projeté par la Gare de Poitiers allait permettre d’y faire entrer les trains venant du Blanc ; ce qui n’était pas possible jusqu’alors, mais qui fut bientôt fait.

 

La gare de Jardres en activité.

En 1890, les 3 trains qui desservaient la ligne dans chaque sens étaient mixtes, c'est-à-dire comportant à la fois les voitures à voyageurs et des wagons de marchandises. Le Conseil Général s’étant plaint des retards considérables qu’entraînaient les manœuvres des wagons dans les gares, la Compagnie créa la même année un train de marchandises entre Mignaloux et Le Blanc et transforma les 3 trains mixtes en « trains légers » réservés aux seuls voyageurs.

Grâce aux carrières, la gare de jardres deviendra un des dépots de pierres des plus importants.


La pierre de Jardres était expédiée vers les autres régions de France et vers les ports comme celui de La Palice d’où elle partait pour l’étranger. Plusieurs compagnies (Civet-Pommier, La Société des Charentes et la Société Fèvre) stockaient à Jardres de la pierre venant des carrières de Tercé et de Lavoux.

 

Visite du dépôt de pierres de la gare de Jardres par les responsables et employés de la Société Civet- Pommier, le 17 mai 1912.

Ce type de visite avait lieu chaque année. Le wagon visible au centre fait partie du train industriel qui transportait la pierre de Tercé à Jardres. Les blocs étaient déposés sur le sol puis repris en fonction des commandes des clients et chargés sur des wagons de la compagnie d'Orléans.

 


On peut voir un pont roulant fonctionnant avec des manivelles.

Ce type d'engin servait à charger les blocs de pierre sur les wagons de la Compagnie d'Orléans. On faisait tirer par un cheval quand il fallait le déplacer le long des voies.

 

En 1883 fût construit e par la Société des Carrières du Poitou une voie ferrée industrielle à écartement métrique  de Normandoux à Tercé jusqu’à Jardres  sur une distance de 4800m à la vitesse moyenne de 5km/h. La mise en service fut autorisée le 10 octobre 1883 par arrêté du Préfet de la Vienne. Son exploitation dura jusqu’à la guerre 39/45. Par la suite le transport de la carrière au dépôt de pierres de taille de la gare de Jardres se fit par camion.

 

La carrière de Normandoux à Tercé.

Cette petite ligne à vocation exclusivement industrielle, était parfois utilisée pour transporter des voyageurs de Normandoux  désirant aller à la gare de Jardres. Il existait un wagon découvert muni de banquettes transversales. Les pèlerins utilisaient spécialement ce wagon pour se rendre à la gare de Jardres et ensuite à Poitiers  au pèlerinage annuel à Sainte Radegonde.

 

 

Au début du XX e siècle et jusqu’en 1914, la ligne sera ainsi desservie de bout en bout par 3 trains de voyageurs omnibus Poitiers – Argenton, plus un Poitiers – Chauvigny et un Le Blanc – Argenton. Après les restrictions imposées par la guerre 1914-1918, le service normale repris avec 3 trains légers omnibus, tous à vapeur, qui mettaient une heure pour relier Chauvigny à Poitiers.

 

Une locomotive Type 121 en gare de Chauvigny.

Cette locomotive est une machine "de vitesse" ce qui se voit au grand diamètre des roues motrices.

Ce type de machine servait à tracter les trains de voyageurs. Sur la photo on ne voit cependant que deux wagons de marchandises. Ce sont sans doute un fourgon à bagages et un wagon de messagerie qui trouvaient souvent place dans un train de voyageurs.

Les voitures à voyageurs seraient derrière, donc invisible sur la photo.

En 1925, l’horaire était le suivant :

Horaires de Poitiers à Le Blanc   matin- soir -  soir

Poitiers –départ  5h 40 - 11h 3 - 17h 34

St. Julien-l’Ars  6h 19 - 12h 14 - 18h 14

Jardres  6h 27 - 12h 21 - 18h 22

Chauvigny  6h 41 - 12h 34 - 18h 37

Le Blanc  7h 59 - 13h 42 - 19h 56


Horraires du Blanc à Potiers   matin - soir - soir

Le Blanc  6h 15 - 13h 43 - 18h 02

Chauvigny  7h 26 - 14h 59 - 19h 31

Jardres  7h 37 - 15h 12 - 19h 44

St.Julien-l’Ars  7h 44 - 15h 22 - 19h 52

Poitiers  8h 19 - 16h 00 - 20h 31

L’apparition des autorails en 1934, permit de renforcer et surtout d’accélérer le service ; et jusqu’à la guerre de 1939, il y a entre Poitiers et Le Blanc 2 trains à vapeur omnibus, et 2 autorails dont un « semi-direct » dans chaque sens. Un train de marchandises omnibus desservait aussi la ligne dans chaque sens. La gare de Chauvigny enregistrait 10 mouvements de trains chaque jour.

Fermée au transport des voyageurs, la ligne Poitiers –Le Blanc reste ouverte à celui des marchandises. Un train quotidien dans chaque sens, tracté par des machines à vapeur 141 TA jusqu’en 1959 puis par des locomotives diesels-électriques 63 000 a été maintenu jusqu’à la fin des années 70.

 

Locomotive tender à vapeur 141 de l'ex-compagnie Paris-Orléans, série 5301 à 5490,

année de construction : 1912 à 1923, immatriculation 141 TA 301 à 490 SNCF à partir de 1938,

vitesse maximale : 70 km/h, masse : 74 tonnes, longueur : 13.45 mètres,

 

Par la suite l’exploitation est faite « à la demande ». Les trains sont tous facultatifs : ils ont lieu lorsqu’il y a des wagons à acheminer et se limitent à la gare destinataire ou expéditrice de ces wagons. De substantielles économies sont ainsi réalisées.

Cette façon d’exploiter correspond d’ailleurs à une évolution du trafic. Il n’y a plus d’expédition de colis isolés (ceux-ci sont livrés par camions depuis des gares centres). Il y a de moins en moins de wagons isolés mais il y a de plus en plus de rames ou de trains complets.

C’est ainsi que la création à Jardres d’un très vaste silo coopératif doublé d’un centre de stockage et de distribution d’engrais à engendré un très important trafic de céréales partant de Jardres et d’engrais y arrivant. Tous ces courants se font par train complets de wagons-trémies.

 


Le silo de Jardres aujourd'hui.

 

Actuellement, partent annuellement  de Jardres entre 25 et 30 trains de céréales. Ce qui représente, selon les années, environ 40 000 tonnes.

Concernant les engrais, entre 7 et 10 trains sont réceptionnés par an représentant environ 13 000 tonnes.

Concernant la voie ferrée Poitiers-Chauvigny, Réseau Ferré de France ne prévoit pas de réhabiliter cette voie. Pour une question de coût, mais aussi du silo de Jardres, situé tout près de la voie férrée et classé "Seveso", un classement qui rend impossible le passage de trains de voyageurs à proximité. Déscision qui vient contredire le rapport du SCOT de la Vienne qui juge ce projet intéressant en terme d'aménagement du territoire et de dévelopement durable.



 

Quand Jardres avait deux gares.

Si on consulte le cadastre de cette époque on constate que Jardres possédait deux gares, la sienne propre et celle de Chauvigny. En effet tous les bâtiments et la grande majorité des voies de la gare de Chauvigny sont situés sur la commune de Jardres dont le territoire arrivait jusqu’à la route d’Artiges.

 

La gare de Chauvigny aujourd'hui désaffectée.

En 1883, la voie ferrée Poitiers-Le Blanc est mise en service jusqu’à Chauvigny, puis en 1885, jusqu’à Saint-Savin. Cela entraine à Chauvigny la création de l’avenue de la Gare,  puis la naissance et le développement d’un nouveau centre d’activités et de peuplement sur la rive gauche de la Vienne où se trouvent carrières et ateliers de pierre de taille.

Situation paradoxale qui n’avait pas échappé au conseil municipal de Chauvigny, lequel avait donné un avis favorable au projet sous réserve que la gare devant desservir sa commune porterait bien le nom de Chauvigny.

C’est seulement en 1927 que Chauvigny « rachète » sa gare. La municipalité de Jardres ayant préféré céder une partie de son territoire plutôt que de participer aux frais d’installation de l’éclairage électrique dans les bâtiments.

Selon le détail estimatif dressé en 1881, le prix d’une gare de 4e classe comme Jardres était de 83 900F et de 3e classe comme Chauvigny de 117 060F.

 


La gare de jardres aujourd'hui.

 

18 juin 1883 – 18 juin 1983

Cérémonie du Centenaire du Chemin de fer avec la participation des citoyens de Jardres.

Le samedi  18 juin 1983, la gare de Jardres connait l’affluence de la Belle Epoque. En effet sur le quai, M. de Chalain en costume du siècle dernier, ceint de son écharpe de Maire, avec chapeau haut de forme et petit sac de voyage, entouré des ses concitoyens en authentique costumes d’époque, attendent le train qui doit les conduire à Chauvigny via la Vigne aux Roux – Servouze – Le Bois Senebaud – Le Breuil.

 

Cette fois ci, à 15h, fidèle au rendez-vous, une rutilante locomotive B.B. 67000 à moteur diesel de 2400 CV attelée à 3 wagons de type corail stoppe en gare de Jardres pour charger les impatients voyageurs.

Les BB 67000 sont des locomotives diesel-électrique de ligne, mixtes voyageurs et marchandises. Les premières séries sont fabriquées par Brissonneau et Lotz à Aytré,en Charente Maritime.

En 1963, livraison de la BB 67001 au dépôt de Chambéry, 1ère de la série BB 67001 à BB 67040. Puis suivirent les BB 67041 à 124, fruits d'une seconde commande. Toutes ces locomotives sont aptes à circuler en unités multiples (UM) avec les véhicules de la même série.

Après une première partie de carrière, et bien qu'une partie de la série ait été radiée, le gros des troupes ont été transformées : d'abord 20 machines en BB 67300, puis 75 autres en BB 67200. Les 5 dernières sont transformées en BB 67200 pour la LGV Est européenne

 

C’est en fanfare et sous les caméras de FR3 que nos amis se hissent dans les wagons, non sans peine, la marche étant bien haute pour les dames, mais grâce à l’aide des messieurs l’embarquement se fera sans encombre. Tout notre beau monde  enfin, s’installe sur les banquettes, plus confortables il est vrai qu’il y a cent ans, et s’apprête à revivre le grand voyage de nos ancêtres : Jardres – Chauvigny.

 

Avec un peu d’avance sur l’horaire prévu : 15h 29, le convoi arrive en gare de Chauvigny, et nos Jardrais  accueillis par l’harmonie municipale descendent du train sous le regard surpris mais ravis de la foule qui apprécie vivement de voir débarquer « Jardres » costumé de si belle manière, que l’on se croirait vraiment 100 ans plus tôt.

 

Nos voyageurs, parfaits  dans leur rôle, regagnent  en cortège la gare, apportant une note pittoresque à cette manifestation, qui fut une attraction très remarquée de l’arrivée du train du centenaire en gare de Chauvigny.

 

Notre groupe costumé, applaudi et félicité, posa ensuite pour les nombreux photographes, dont une photo sera d’ailleurs publiée dans la revue « la vie du rail »


A 17H 59, les jardrais costumés arrivent en gare de Chauvigny, avec, ceint de son écharpe, le maire de Jardres, Monsieur de Chalain.

C'était il y a 28 ans, déjà...