Histoire de Montlouis

MONTLOUIS

SON HISTOIRE

Situé à l’extrême nord-ouest de la commune de JARDRES, Montlouis est un ancien fief relevant de la baronnie de Chauvigny.

L’actuel château, construit au XIXe siècle, a remplacé un édifice fortifié bâti au XVe siècle et dont est conservé dan l’ancien cadastre.

Le premier seigneur de Montlouis que nous connaissons est Louis d’Harcourt. Surnommé Louiset d’Harcourt, il fut capitaine et châtelain de Chauvigny de 1446 à 1454. Son nom est illustre : il était en effet le fils bâtard de Jean VII, comte d’Harcourt, vicomte de Châtellerault. Originaire de Normandie, cette famille a pris pied dans le Poitou à travers la vicomté châtelleraudaise. Elle possède depuis le début du XIVe siècle, le château qui porte son nom au cœur de la ville haute de Chauvigny, à quelques mètres du château Baronnial.

Louiset avait reçu de son père, le 6 février 1444, la propriété du château d’Harcourt de Chauvigny , sous réserve d’usufruit, ainsi que la capitainerie dudit château.

Louiset refusa à son père la jouissance de l’usufruit qu’il s’était réservé, et refusa également l’entrée du château aux hommes de ce dernier. Io s’en est suivi la révocation la révocation, par Jean d’Harcourt, de la donation par actes des 22 mars 1445 et 21 juin 1447. La capitainerie du château lui fut également retirée.

Le château d’Harcourt fut vendu le 27 mars 1444 à Charles 1er d’Anjou qui l’échangea dès le 21 mai 1447 avec l’évêque de Poitiers, baron de Chauvigny.

C’est probablement pour cette raison que Louis d’Harcourt décida de fortifier Montlouis. Nous ignorons quand et comment et a acquis cette terre.

En juin 1447, il obtint du roi Charles VII la permission de fortifier Montlouis. Dans cet acte, le roi fait savoir qu’il a reçu de « son bien-aimé esculier  Loys de Harcourt, seigneur de Montloys une supplique ». Cette dernière spécifie que Montlouis est situé en «  bon pays, bien fertile », aisé à fortifier et  que, si la guerre survenait et qu’il fût emparé (c'est-à-dire protégé de remparts), il y aurait une plus grande sureté pour sa personne et ses biens et qu’il pourrait sauver  les hommes et sujets dudit suppliant et autres voisins.

De par sa grâce spéciale et son autorité royale, le roi octroye congé et licence de clore, faire clore, fortifier de murs, tours, fossés, « eschiffes », barbacanes, et autres choses utiles et profitables à l’hôtel de Montlouis. Il est spécifié que « pourvu toutefois que cela ne tourne pas au dommage ni préjudice au roi ni au pays environnant ». Cette royale recommandation était loin d’être superflue lorsqu’on connaît le tempérament belliqueux de Louis d’Harcourt.

Ses démêlés avec son père en témoignent mais ils ne sont pas les seuls. Il correspondait parfaitement à l’image que nous faisons aujourd’hui de ces capitaines prompts à tirer l’épée, puis assoiffés de bagarres, pillages, etc… que de respect du code de la chevalerie. Il connut la disgrâce paternelle mais il eût également maille à partir avec la justice. Il séquestra, en 1405, Guillemette Berland, fille mineure de Turpin Berland (tué plus tard à l’assaut de Galardon le 25 juin 1421), et mariée plus tard à François Guérinet, écuyer seigneur du Verger : en 1450, un différent entre Louis d’Harcourt et François Guérinet dure encore.

En 1437, Antoine de Feydeau, écuyer, seigneur de la Mothe de Calais (Ile Jourdain) voulut faire reconstruire le château de la Mothe. Geoffroy Taveau, seigneur de Lussac, baron de Morthemer, suzerain de la Mothe de Calais (relevant de Morthemer) s’opposa à ces travaux, craignant peut-être que son vassal n’eût quelques velléités d’autonomie. L lendemain de la Pentecôte 1437, Louis d’Harcourt se présenta donc à la Mothe avec plusieurs gens en « habillement de guerre, les uns armés d’arbalètes, les autres de haches, « gisannes », épées, épieux, lances ». Louis d’Harcourt annonce qu’il en venu en raison de la construction et que compte tenu du désaccord de Messire Taveau, le sieur Feydeau veuille bien abattre sa maison. En entrant, Louis d’Harcourt « eût quelques violences sue les enfants « nus » de Antoine Feydeau ». Il menaça ce dernier de lui donner « de la dague au corps ». On imagine aisément cette scène digne des meilleurs films de cape et d’épée. Malgré l’intervention courageuse de l’épouse et de la mère d’Antoine Feydeau, Louis d’Harcourt fit abattre la muraille, objet du désaccord.

Marié à Claudine du Plessis qu’il épousa le 12 septembre 1444, Louis d’Harcourt n’eût pas de descendance.

Ce n’est qu’au milieu du XVIe siècle que nous trouvons Jean Rechignevoisin, «écuyer, seigneur de l’Epine et de Montlouis. Il fut porte-enseigne de la compagnie de M. le Prince de la Roche-sur-Yon. De Charlotte-Françoise Favreau il eut deux filles, Barbe et Jeanne qui épousa le 2 juin 1581 Pierre Courault, écuyer seigneur de la Roche Cherveux.

En 1596, haute Dame Charlotte Favreau, dame de Montlouis, vend à Joseph Liège une maison qu’elle possédait à Poitiers.

Son gendre, Pierre Courault, hérita de Montlouis. Il rend aveu de cette seigneurie le 14 avril 1597 et le 16 mai 1605 à l’évêque de Poitiers à cause de sa baronnie de Chauvigny : « Sachant tous que je, messire Pierre Couraud , chevalier, seigneur de la Rochecherveux, La Grange, La Lande ? Montlouis tant pour  moy  que pour Dame Jehanne de Richevoisin ma femme et Damoiselle Françoise du RI. ( ?)… ma nièce, tient et avoue tenir de Messire Geoffroy de Saint-Babin, évêque de Poitiers, à cause de sa baronnie de Chauvigny, au devoir d’un gant blanc et du prix de 12 deniers… premièrement mon hostel et château de Montlouis assis en la paroisse de Jardres… et tout le circuit dudit hostel qui est place forte avec les douves  assises d’environ le dit hostel… ». Le 10 décembre 1621, Jacques Monnier, laboureur à  Anzec  reconnait tenir de « haut et puissant messire de la Rochecherveux, Montlouis et autres places », cinq bosselées de terre. Pierre Courault  avait épousé le 12 juin 1581, Jeanne de Rechignevoisin, Dame de Montlouis, fille de Jean Rechignevoisin, seigneur de la Lande (Bonneuil) et Françoise Favreau. Deux de leurs filles, Charlotte et Françoise furent religieuses à La Puye, un fils, Jean fut prêtre.

 

Le 26 janvier 1626, Jeanne Begault, femme de Hélie Favreau, fermier, demeurant à la Maison Noble de Montlouis est inhumée dans l’église de Jardres, bien qu’elle n’en avait pas le droit. Le curé du lieu stipule que la sépulture eût lieu… « par le derrière et tout contre l’hautel  Nostre-Dame, sans toutefois avoir le droit de sépulture audit-lieu, sinon que ledit Hélie Favreau a promis et est tenu de faire parer à ses despans la place ou est ladite sépulture à ce subject, seulement pour ladite deffuncte, qui aultrement n’eust à l’autel, à cause de la poussière qui saultoit sur les autels par le vant ». Ainsi, contre une réfection du pavage, le curé a octroyé le droit de sépulture dans l’église, pratique qui devenait  très rare à cette époque.

Un an plus tard, le 9 avril 1627, c’est Helye Favreau , qui a son tour est inhumé à cet endroit… «  entre les autels de Notre-Dame et Saint-Blaye, audavent le Saint-Crucifix… ».

Ce couple Favreau était probablement de la famille de Charlotte, épouse de Jean Rechignevoisin, peut-être un neveu. Ils vivaient sous le toit de Pierre Courand et de ses enfants. En 1638, Montlouis appartient au petit fils de Pierre, Guy 1er Courand.

Au XIIe siècle, Montlouis appartient à la famille Razes, en la personne de Jean de Razes , chevalier seigneur de Verneuil, comte d’Auzances. La deuxième cloche* de l’église de Jardres, baptisée le 6 juillet 1732, est parrainée par Jean Razes chevalier seigneur de Montlouis, Coulbré, comte d’Auxances.


*La deuxième cloche est la plus récente des deux cloches abritées dans le clocher.

Elle fut fondue  en 1732 par Jean Lebrun père, fondeur au Mans. Il a signé : « I LE BRUN ».

Classée Monument Historique en 1944, elle présente une longue inscription :

-SIS NOMEN DOMINI BENEDICTUM DE-LAULAY PRIOR Mre JEAN DE RAZES CHEVALIER SEGr

-CONTE D’AUXANCES SEIGr de MONTLOUIS, COULBRE, LA BROSSE & C.CON…LIEr DU ROY EN

-SES CONSEILS LIEUTENANT DE LA SENECHAUSSE & SIEGE PRESIDIAL DE POITIERS

-PARRAIN ELISABETH GUARNIER DAME DE LA PREUIL & DE L’EPINOUX ET AUTRES

-MARRAINE 1732

Avec une croix séparée par les lettres : CM.L.M.  P.DR. CI. C


 

LE CHATEAU

Il ne reste aucune trace du château construit par Louis d’Harcourt au milieu du XVe siècle ni des douves. Les matériaux provenant de sa destruction ont sans aucun doute servi à combler les douves, préalablement à l’édification du château actuel , construit probablement durant la deuxième moiti é du XIXe siècle et peut-être par de Larclause à la fin du XIXe siècle.

Le cadastre dit « napoléonien » du début du XIXe siècle, porte un plan des restes de l’ancien château. Le plan présente un ensemble de bâtiment en fer à cheval ou U ouvert sur le côté est. Une grosse tour se trouvait dans l’angle nord-est. Cette tour et la façade nord noud tout entière étaient baignées par une large douve. Une tour beaucoup plus petite se trouvait dans l’angle sud-ouest de cet ensemble de bâtiments.

A quelques dizaines de mètres au noud du château se trouvaient trois bâtiments appelés « La Halle », sans doute à cause d’une foire qui se tenait à Montlouis.

Le Plan 1, de 1817 présente le château et les douves qui subsistaient au début du XIXe siècle, avec les toponymes environnants : La Laise et La Garenne. La totalité de Montlouis et la halle ont été rasées au XIXe siècle. Le château actuel a été édifié à 30m à l’est de l’emplacement de la grosse tour nord-est (peut –être un petit donjon ?) de l’ancien château.

 

Actuellement, dans la pelouse précédant la façade ouest du château moderne, se trouve enterrée une salle souterraine voûtée, accessible par un escalier à vis dont la cage débouche à la surface de la pelouse, à 30m environ de la façade ouest, confirmant ainsi l’exactitude des deux cadastres. Seuls subsiste aujourd’hui une mare qui se trouvait à une vingtaine de mètres de l’ancien château. Les bâtiments de La Halle ont été remplacés à la fin du XIXe siècle par une grande construction à usage de communs.

Cage circulaire de l'escalier à vis de la salle soiterraine rectangulaire, de 5,69m sur 5,26m, unique du château de Montlouis.


Détail de l'escalier à vis dont il reste 18 marches larges de 1,39m, hautes de 14 à 20 cm, profondes de 5 à 45 cm.


Détail de la voûte de la salle rectangulaire montrant un appareillage fruste mais solide.


Soupirail dont l'ouverture débouche dans la pelouse.

Le plan 2 présente la situation des constructions actuelles (hachuré) par rapport à l’emplacement du château et des bâtiments disparus (en noir).

 

UNE FOIRE

Louis Redet en 1882, dans son « Dictionnaire  topographique de la Vienne », signale que trois foires se tiennent chaque année à Monlouis, « de temps immémorial ».

  • La première : le 18 juin, autrefois le jour de la Fête Dieu ;
  • La deuxième : le 12 novembre, autrefois le 11, fête de Saint-Martin ;
  • La troisième : le 27 décembre.

Celle du 11 novembre est en effet très ancienne comme en témoigne deux baux à ferme des droits de plaçage du 23 août 1603 et 1er mai 1609. Le premier bail est établi par Pierre Audebert, bourgeois de Poitiers, fermier de la seigneurie de Montlouis, en faveur de Pierre Poiraton, le jeune, fils de Pierre Poiraton, couturier-laboureur demeurant à la seigneurie de La Barre paroisse de Jardres… «  c’est à scavoir le droit de plassage, rente… des foires des halles de Montlouis… aussi le dit sieur Audebert baille et délaisse audit Poiraton le droit de la foire dudit lieu de Montlouis qui est du jour et faite de Saint-Martin… ». Le deuxième bail renouvelle le premier.

 

UNE FERME - ECOLE

Le 22 juin 1849, une ferme école est instituée à Monts, commune de Ceaux (canton de Couhé) et dirigée dès 1852 par Joseph Henri Savin de Larclause, fils du fondateur de cette école. En 1875 Henri Savin de Larclause achète la propriété de Montlouis où il fut autorisé à transporter le siège de la ferme-école, qui y sera installée le 1er octobre 1875.

Elle formera de nombreux élèves mais la Première Guerre mondiale lui sera fatale.

C’est apparemment au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle que Montlouis actuel fut reconstruit.


Article de Christian Richard publié dans le bulletin "Le Pays Chauvinois n° 30" de la SRAC.


 

 

 FORMATION AU GREFFAGE DE LA VIGNE

A la ferme-école de Montlouis  était enseigné le greffage de la vigne et délivrait un diplôme de greffeur aux élèves qui suivaient régulièrement les démonstrations pratiques .

Avec ce diplôme en main l’élève était apte à greffer la vigne.

Diplôme de greffeur délivré à Louis Popineau le 1er mars 1894.


Le greffage de la vigne est intervenu à la suite dès dégâts du phylloxéra à partir de 1860.

C’est en 1888 qu’intervient la généralisation de  la greffe sur plant résistant.


Voir ci-dessous  comment Victor Pulliat , propagateur de la greffe a permis le rétablissement de la vigne après les attaques du phylloxéra qui ravagea les vignobles .


 

VICTOR PULLIAT (1827-1896)


Depuis la seconde moitié du 19° siècle, la vigne connaît en France un essor fabuleux. 
La consommation croissante chez les classes populaires lui assure des débouchés intéressants. Les droits d’entrée dans les villes, auparavant écrasants, sont diminués de moitié (1852). 

La pyrale (parasite animal) a été vaincue par la pratique de l’Echaudage, et l’oïdium (maladie végétale) a trouvé un remède par le soufrage des plants pendant la pousse de la vigne. 
Ainsi, en 1870 la vigne couvre près de 2 millions d’hectares, fait vivre une population nombreuse et alimente un commerce rémunérateur. 

Cependant, dès 1860 on remarque des dégâts du phylloxéra dans le Gard et la Gironde. 
Ce minuscule insecte hémiptère se nourrit des racines de la vigne et provoque rapidement la mort des ceps. 
Même si les vignerons répugnent à signaler les foyers d’invasion, il se propage de manière foudroyante dans le midi, justement là où le vignoble a grignoté landes et friches, pour s’imposer magistralement, mais toujours de manière destructrice. Sur une commune, il n’est pas rare de voir la surface envahie par l’insecte destructeur doublée en un an. 

En l’espace d’une décennie, de 1870 à 1880, le seul Beaujolais perd 1/5° de sa population. 
En 1883, la moitié du vignoble Français est anéantie et l’autre menacée. 
Les viticulteurs sèment des céréales, là où le sol ne se prête pas toujours à ce type de culture, ils quittent la région, contraints à émigrer pour aller gagner leur pain dans une contrée plus favorable. Beaucoup entrent dans une compagnie de chemin de fer ou de tramways. 

Alerté, le gouvernement offre une prime de 300 000 francs à qui trouvera le moyen efficace pour lutter contre le phylloxéra. Près de 3000 remèdes sont déposés entre les mains de l’administration, sans succès. 
Les vignerons prolongent l’existence de leurs vignes en utilisant des engrais et en pratiquant la submersion. 
Les pouvoirs publics nomment une commission supérieure du phylloxéra présidée par Pasteur, assisté du conseiller d’état Tisserand, elle réunit des scientifiques réputés. 
La commission préconise l’emploi du sulfure de carbone, qui devient rapidement la méthode la plus en vogue. 
En 1872, une loi gouvernementale accorde des subventions aux communes décidées à défendre leur vignoble. La première commune du Rhône à fonder une association locale de défense est Chiroubles. 

Dans ce petit village, deux tendances s’affrontent, avec deux conceptions différentes du remède, dont un seul pouvait sauver le vignoble. 


Emile Cheysson (1836- 1910), jeune polytechnicien, propriétaire d’un domaine important, membre de l’institut préconise l’emploi des insecticides.

 

Victor Pulliat, est né le 17 avril 1827 dans la maison familiale de Tempéré

 

Très jeune, il se passionne pour l’étude des plantes, leur culture, s’intéressant aux rosiers, aux arbres fruitiers et à la vigne. Il devient le praticien convaincu, le travailleur infatigable qui consacrait les jours aux travaux manuels, les nuits aux lectures scientifiques. A sa rencontre avec Monsieur MAS, savant pomologiste et viticulteur du département de l’Ain, Victor Pulliat sait que sa voie est tracée, la vigne compte désormais un défenseur passionné de plus. 

Avec Alphonse MAS, entre 1874 et 1880 il publie le Vignoble, important ouvrage en 4 volumes. Il crée dès 1869 la Société Régionale de Viticulture de Lyon, dont il est secrétaire général, puis président, il en est l’inspirateur et l’âme véritable. 
Il est délégué pour la société des agriculteurs de France pour l’étude des vignobles de la vallée du Rhône, pour la société régionale de viticulture, il se rend dans tous les congrès ampélographiques et phylloxériques. 

Les cépages les plus divers couvrent les coteaux de Tempéré, le viticulteur crée sa collection de 1200 plants de vignes issus de tous les vignobles d’Europe, d’Asie, d’Amérique, d’Afrique, grâce au concours de tous les vignerons ampélographes qui apprennent à le connaître. 
C’est à Chiroubles, qu’il étudie et décrit les divers cépages, qu’il procède à des essais de greffes. De 1875 à 1885, Victor Pulliat parcourt la plupart des pays d’Europe. De l’Autriche à l’Italie, de la Suisse au Portugal, il recueille des avis, des informations, s’informe des nouvelles techniques, des échecs et des succès. 

Il n’est pas convaincu par le traitement au sulfure de carbone. Ce procédé est laborieux (enfoncer dans la terre près de chaque cep un appareil injecteur), minutieux (dosage adapté à chaque nature de sol), il doit être pratiqué plusieurs années de suite, et onéreux. Il faut ensuite apporter des engrais pour régénérer le sol et les résultats obtenus se révèlent partiels et aléatoires. 
Victor Pulliat observe le développement de l’insecte et son étonnante capacité de reproduction. Un seul insecte peut avoir une descendance de plusieurs milliards d’individus, et n’abandonne un coin de vignoble qu’après l’avoir totalement anéanti ! 
Il choisi d’étudier une greffe qui n’altère pas la qualité du vin et préserve la quantité de la récolte. Il obtient des résultats concluants en greffant des « sauvageons » français sur des plants américains résistants à l’insecte. 
Cette résistance des plants américains donne du crédit à l’hypothèse de l’époque selon laquelle le Phylloxéra serait une variété d’un parasite importé d’Amérique s’étant adapté en France. 



Bien que s’opposant à l’opinion publique, à l’avis de la commission supérieure du phylloxéra, il explique inlassablement aux viticulteurs de la région que la crise phylloxérique a trouvé sa solution, le greffage de notre plant beaujolais sur racine résistante est le moyen le plus certain pour reconstituer nos vignobles. 
A Chiroubles, Emile Cheysson (1836- 1910), jeune polytechnicien, propriétaire d’un domaine important, membre de l’institut préconise l’emploi des insecticides 
Emile Cheysson, partisan du sulfure de carbone, qui aura permis de prolonger la vie des ceps contaminés, reconnaîtra l’efficacité du greffage, et les actions complémentaires des deux hommes permirent de reconstituer progressivement le vignoble de Chiroubles. 
Pour arriver à cette reconstitution, il faudra des plants américains et des greffeurs. Sans se décourager, Pulliat met au point un greffoir et initie les jeunes vignerons à la pratique de l’entement (greffage). Le fléau recule. Les écoles de greffage sont créées par la société de viticulture de Lyon, reprises par le ministère de l’agriculture. 


 

 

Phylloxéra

En 1888, la commission supérieure du phylloxéra prend position en faveur de la greffe sur plant résistant. Pulliat n’a pas prêché en vain, les vignes du Beaujolais et de France renaissent. 
Pulliat devient membre de la Société Nationale d’Agriculture, donne des cours à l’institut agronomique à Paris, puis dirige l’école d’agriculture d’Ecully. On lui doit de nombreux ouvrages 
Issu d’une famille modeste, Victor Pulliat eut le malheur, à l’âge de sept ans, de perdre son père, propriétaire cultivateur estimé. Sa vie fut laborieuse, se levant à l’aube pour cultiver et observer ses fleurs, ses arbres, ses vignes et surtout sa merveilleuse collection de cépages. Il passait une partie de ses nuits à étudier et écrire. 

Toujours gai, affectueux et d’une charité effleurant souvent la prodigalité, il donnait sans compter. Les plus humbles surtout, parmi les visiteurs qui frappaient à son seuil, étaient assurés d’obtenir son appui. Comme en toutes choses, il ne retira de ce surcroît de travail aucun profit pécuniaire. A sa mort le 12 août 1896, il était certainement moins riche qu’au début de sa carrière. 
A ses funérailles, Emile Cheysson a eu l’honneur de retracer les étapes de la vie de Victor Pulliat. Sur son cercueil, il a pu dire : » si ceux qu’il a obligés, sauvés, étaient là, une foule immense couvrirait les coteaux verts de vignes et constituerait la plus belle des couronnes funèbres. » 
A Chiroubles, sur la place de l’église, la Société de viticulture de Lyon élève une statue à sa mémoire, en ouvrant une souscription, le monument fut inauguré le 3 septembre 1898, puis il sombre dans l’oubli le plus total. 

Les archives consultées montrent que la greffe était connue et utilisée de manière expérimentale, notamment dans le midi avant les recherches de Pulliat. On doit lui attribuer les essais grandeur nature, et la mise au point d’une technique de greffe simple et efficace. 
Plus d’un siècle après ces découvertes, la greffe sur plant résistant est toujours utilisée pour lutter contre le phylloxéra, l’insecte est toujours présent et gourmand des cépages français non greffés.