JUIN 1944 - Lincoln BUNDY


INFORMÉS, DONC LIBRES…

Le journal que vous tenez en main, peu de gens l’ont lu. Et pour cause… Fabriqué et imprimé à Londres dans la nuit du débarquement allié, on ne pouvait se le procurer qu’en Angleterre  et en Afrique du Nord. En France, il ne circulait que sous le  manteau, avec parfois plusieurs jours de retard, et au prix de risques considérables. Quotidien des Français  libres réfugiés en Grande Bretagne, il relate les premières heures du débarquement avec une précision étonnante. Alors que la plupart des journaux collaborationnistes du 7 juin évoquait timidement à la une la “tentative des alliés”, France, le journal de De Gaulle, dressait à H plus 12 un bilan extrêmement bien renseigné des opérations en cours. Ce journal d’information est aussi un document d’histoire brute.  Pour lire ce que les français enfin libres, librement informés, lisait le 7 juin 44 au matin.



Le 7 juin 1944 au matin, les français pleuraient de joie en lisant ce quotidien. (Voir les documents joints)

 

MÉMOIRE JARDRAISE

Le débarquement des alliés en Normandie en juin 1944 est lié à la Mémoire Jardraise avec l’aviateur américain Lincoln Bundy abattu au dessus de la commune de Crulai dans l’Orne en Basse-Normandie et receuilli à Anzec.

 

HISTOIRE DE LINCOLN BUNDY

 

De Jardres à Verrières

 

Fin juin 1944, dans le hameau d’Anzec, Serge Guillon, 15 ans (étudiant  pensionnaire à Poitiers était en vacances chez lui) tombe nez à nez avec un homme au visage hirsute, mais à l’air sympathique, habillé d’un treillis déchiré. L’individu vient de remplir une gourde dans un basin d’eau destiné aux animaux.“Faut  pas boire ça”, lui dit le jeune jardrais.

L’homme ne parle que l’anglais et montre une pastille aseptisante.

Le petit Serge s’aperçoit qu’il a en face de lui un soldat allié. Cette rencontre se passe derrière la ferme d’une cousine.  Elle l’a fait rentrer chez elle et court chez lui chercher un dictionnaire francais-anglais.


Armé du dico et de ses rudiments d’anglais, Serge reconstitue le passé récent du soldat.

Lincoln BUNDY est un pilote de chasse de l’aviation US. Son chasseur un P-51 Mustang a été abattu lors du débarquement,  le samedi 10 juin, au-dessus de la Normandie  à Crulai dans l’Orne alors qu’il  venait de mitrailler  un convoi de camions allemands près de Crulai.

Sauvé par son parachute, le pilote a ensuite appliqué les consignes données aux aviateurs alliés.

Il devait rejoindre l’Espagne en marchant de nuit et en dormant dans les fourrés le jour. Pour cela, il avait plusieurs boussoles et un mouchoir de soie sur lequel était imprimé une carte de France.

 

Contact avec les SAS

Le pilote reste cache chez la cousine et Serge s’empresse de raconteur l’histoire à son père Raphaël, résistant sous le nom de “Gaston Blanchard”.

Il a d’abord pensé à un espion de la Gestapo, même si le comportement de BUNDY inspirait confiance.

Les GUILLON demandent conseil à deux autres résistants poitevins, Joseph GARNIER et le professeur VILLEY, qui parle anglais.

Ils sont venus déjeuner le lendemain chez les GUILLON   à ANZEC.

Après avoir discuté avec lui, VILLEY  a affirmé que Lincoln était sans aucun doute un soldat US.

L’Espagne était un peu loin, mais les résistants connaissaient la présence des parachutistes anglais dans la forêt de Verrières.

 

Le lendemain matin, habillé d’un vieux costume du père de Serge, le pilote part en en vélo vers Lussac-les-Châteaux, accompagné de Raphaël. Ils vont chez Roger ANDRAULT, qui lui même était en contact avec les SAS. Lincoln BUNDY est ensuite accueilli  par les paras britanniques. Il a remercié le père de Serge et était vraiment heureux de trouver quelqu’un à qui parler anglais.

 

Un certificat signé EISENHOWER (Voir le document joint)


Quelques jours plus tard, ils apprendront avec horreur le  sort réservé aux SAS et au pilote américain. Ils ont été faits prisonniers en forêt de de Verrières, puis conduits à Poitiers et fusillés.

Un épisode tragique qui laissera une trace plus qu’amère dans l’esprit de  Serge GUILLON. Il en parle encore aujourd’hui avec beaucoup d’émotion.                                                          

Ce n’est qu’en 1995 qu’il a su que les fusillés de la  forêt de Saint-Sauvant étaient inhumés à Rom. “Je m’y suis rendu lors d’une commémoration et le souvenir de Lincoln Bundy m’a bouleversé, il m’avait  donné une de ses boussoles, cachée dans un bouton   de sa vareuse".

Serge Guillon possède également un certificat remis à son père à la fin de la guerre, signé par le général Eisenhower, pour service rendu aux soldats alliés contre l’occupant.



La petite boussole (de la grosseur d'un bouton) que Lincoln Bundy a donnée à Serge Guillon.

Elle était dissimulée dans l'un de ses boutons de vareuse.

Le petit drapeau que Serge avait confectionné à 15 ans et qu’il accrochait à son vélo pour parcourir le canton. 

Par des chemins détournés il transportait des messages pour les résistants à la Roche de Bran à Montamisé.  

"Le 14 août 1944, 150 hommes du maquis Anatole souhaitent se rapprocher de Poitiers afin de participer aux côtés des armées alliées à la libération de la ville.

Arrivés en vue du château de la Roche de Bran, les résistants sont accueillis par la propriétaire, Mme de la Grandière, veuve de Louis de Murard. Cette dernière répond favorablement à la demande de l'officier (lieutenant Choffat) afin que le groupe puisse passer la nuit sur la propriété.

Prévenus par un milicien de la présence du détachement français, les SS stationnés à Migné-Auxances attaquent le poste avancé durant la nuit. Six maquisards seront capturés, torturés et massacrés et un septième ne survivra pas à ses blessures.

A 7 h, les allemands incendient les communs. Le 17, ils reviendront brûler la riche demeure. La comtesse et ses proches sont emprisonnés et interrogés sans ménagement durant plusieurs jours avant d'être relâchés.


Enfin libérée, la châtelaine et sa famille ne découvriront que des ruines en retournant à La Roche de Bran. L'épouse du lieutenant Choffat sera déportée et ne reviendra pas.

Son nom figure sur la stèle avec celui des sept maquisards tombés pour la libération de la France".



Serge Guillon  présente le diplome signé par le Général Eisnhower avec sa legion d’Honneur.

 

BIOGRAPHIE de LINCOLN BUNDY

 

Lincoln Bundy est né à Saint George Washinton Couty   le 12 février 1918.

Il a rejoint les Forces aériennes de l’Armée au début de 1942. Il  termine sa formation de vol avec le détachement de la 63e Army  Air Forces d’entraînement en vol à Douglas le 27 avril 1943.

Il commence à voler en P-51 Mustang avec la 8th Air Force.

Le 10 juin 1944 il pilotait un P-51 du 486e escadron de chasse de la Fighter Groupe 352e*.

Il  vient de terminer sa mission en mitraillant un convoi de camions allemands près de Crulai en Normandie quand il est abbattu . IL est alors considéré comme “disparu”. Depuis un demi-siècle, il est supposé qu’il a été tué ce jour là.


Le 11 juin 1945, le lieutenant Bindy est déclaré mort. Le Président des États-Unis lui décerne un "Purple Heart” (médaille militaire américaine) accordée aux blessés ou tués au service de l’armée américaine.

 

*“La 352d Fighter Group est l'un des plus décorés de  l'USArmée Air Forces, groupes de chasse lors de   la Seconde Guerre mondiale , qui a recensé  de nombreux grands as de la guerre.

Une fois déployé au théâtre d'opérations européen (ETO), le groupe a finalement été établie à Bodney en  Angleterre avant d'être déployé en avant à la Belgique . Il a effectué une série de missions pour la huitième Armée de l'Air , mais surtout servi comme escorte de bombardiers”.


 Lincoln Bundy devant son appareil


L’assassinat de Lincoln Bundy

 

Lincoln a été fusillé avec  34 Agents britanniques SAS  le  7 Juillet 1944 par la SS. 

Les restes des soldats ont été trouvés en Décembre 1944.

 

"À la fin de Juin 1944, Chloé Bundy, sa maman a reçu une lettre à sa ferme près du bord du Grand Canyon sur la bande de l'Arizona. Son cœur s'est brisé quand elle l’a ouverte et a appris que l'un de ses 14 enfants, Lincoln, avait été abattu dans son avion de combat P-51 Mustang sur la Normandie juste après D-Day. 

 

Pas plus était connu de son destin. La matriarche spirituellement douée savait que son fils était vivant. Elle avait raison. Mais elle ne le savait pas comme un fait avéré dans sa vie.  Ce n'est qu'en 1996, suite aux travaux d’un historien que la famille du Lieutenant Bundy a su avec certitude la date et le lieu de l’exécution de Lincoln Bundy, fusillé le 7 juillet 1944 à la forêt de Saint Sauvant et enterré dans le village de Rom.

 

Lincoln Bundy était déjà un éleveur brillant et prometteur avant son départ pour la guerre au printemps de 1942.


Il rêvait de rentrer à la maison et se spécialiser dans l'élevage de chevaux de qualité. Après 8 ans d’école, la plus grande partie acquise  dans l'école à classe unique au Mont Trumbull, (Le Mont Trumbull école a été construite en 1918. Elle a été utilisée pour un centre de l’église, salle de danse et réunion du conseil municipal) il est allé ensuite à l'école de pilotage et de devenir un pilote de chasse.



Le 10 Juin 1944, après avoir détruit un camion d'un convoi allemand dirigé vers le front de Normandie, l'avion du lieutenant Bundy a été touché par la Flak  allemande  ( Batteries antiaériennes statiques) et s'est écrasé près du village de Crulai. Depuis plus d'un demi-siècle, il a été supposé que le garçon de Bundyville a été tué ce jour-là. Et pourtant, sa mère savait qu'il était vivant. Ce n’est qu’un demi-siècle plus tard, longtemps après  le décès de Chloé Bundy enterré dans le cimetière solitaire au Mont Trumbull, que la famille a finalement appris le reste de l'histoire de Lincoln.

 

Sa famille est venue à Jardres en 2003 accueillie par la famille Guillon qui leur a montré le lieu ou Lincoln avait été découvert par Serge Guillon fin juin 1944.

 


Le bassin d'eau destiné aux animaux où Serge Guillon a découvert Lincoln Bundy existe encore à Anzec.


Le cimetière de ROM  ou sont enterrés les 34 SAS et Lincoln Bundy fusillés le 7 juillet 1944 par la SS en forêt de Saint Sauvant.


 Aujourd’hui                                                               

En 1946

 

M. Fuzeau et Denis Chansigaud, rescapé du drame de Verrières sur la tombe de Lincoln Bundy au cimetière de Rom.

 

En 1973 une stèle a été inaugurée à  Saint-Sauvant près du chemin où les 30  S.A.S et le lieutenant Bundy ont fait face  au peloton d'exécution allemand.



Le résistant Raphaël Guillon sous le nom de Gaston Blanchard

 

La carte de résistant de Raphaël Guillon   

  Ses brassards de résistant   

                                                                 

Raphaël Guillon entouré à sa droite par Madame Élise Andrault chez qui Lincoln Bundy a dormi et à sa gauche son épouse. Raphaël Guillon se  recueille devant le monument aux morts lors d’une cérémonie de commémoration du 11 novembre au début de ses années 60.


 



Raphaël Guillon, patriote, homme de réflexion, modeste, simple et  courtois avec un large esprit de tolérance est décédé le 31 mai 1981

 

Attaché à ses convictions comme à ses amitiés, il rendit à Jardres comme au canton d’inappréciables services.


Sa discrétion et sa serviabilité de même que son bon sens, son  dévouement à la chose publique et à ses administrés étaient unanimement appréciés par ses concitoyens.

 

“Longtemps nous garderons la présence de cet homme longiligne,  déambulant la place de Jardres avec sa cigarette à la bouche”  confiait l’un de ses fidèles amis le jour de ses obsèques le 3 juin 1981.

 

 

 

Raphaël Guillon est né le 12 août 1897 à la Ferrière Ayroux.

Élu au conseil municipal en 1933 et maire de Jardres à 38 ans en 1935 jusqu'en 1971 pendant 36 ans.

Elu en 1945 Conseiller Général du canton de Saint Julien l’Ars pendant 22 ans, de 1945 à 1967.

Homme de devoir, homme de paix, homme de dévouement, tel est apparu tout au long de sa vie Raphaël Guillon, qui fut aussi un grand patriote et l’exprima par maints actes de courage.

 

Anciens combattants de 14-18, il partit en 1917, servit en France, en Allemagne, puis en Autriche. Il appartient à l’Armée d’Orient et servit aux Dardanelles, avant d’être démobilisé en 1919.

Télégramme de mobilisation arrivé à la mairie de Jardres:

"Circulaire extrême urgence

ordre de mobilisation le samedi

2 septembre 1939 à 0 heure"



En 1939, il est à nouveau mobilisé. Entre dans les rangs de la résistance dès 1940. Raphaël Guillon, dans sa commune coupée en deux par la ligne de démarcation va apporter une aide précieuse, à celles et ceux qui, pourchassés par les Nazis  doivent franchir la ligne.


Membre du Réseau  Renard  puis du groupe Bernard, il participe aux parachutages à Lussac-les-Châteaux, Savigny-l’Evescault et dissimula armes et munitions qui allaient servir aux maquisards dans sa ferme d’Anzec.

Il devra pendant cette période noire quitter sa maison avec son épouse. Membre du comité départemental de libération, il en sera un élément actif et modérateur.

 

Au nom des alliés le président des Etats-Unis lui adressera une lettre de reconnaissance pour les services rendus à la cause des alliés et à la libération du territoire. La légion d’honneur viendra  récompenser son combat courageux et nombre de Français et des soldats alliés lui doivent lui doivent la vie. 

 

Il faudra attendre des années pour connaître dans son détail ce que fut son action. On la connaîtra  par ceux qui en furent les acteurs et les témoins. Raphaël Guillon jugeant qu’il n’avait fait que son devoir, n’en parlera jamais ou seulement à ses intimes.

Ainsi cet homme de Jardres qui était entouré de l’estime unanime de ses concitoyens et duquel ceux-ci ont voulu manifester leur reconnaissance en donnant son nom à la place centrale du bourg de Jardres.

 

DEVOIR DE MÉMOIRE

Aujourd’hui,  les acteurs et les témoins de cette période sont de moins en moins nombreux.

A l'occasion de l'anniversaire du débarquement, il est important de se souvenir pour ne pas oublier. Il est de notre devoir d'entretenir la mémoire et de rappeler aux jeunes générations les atrocités de cette guerre et les convaincre que la paix est le bien le plus précieux.

Ces événements dramatiques font aussi partie de l'histoire de notre commune.

Jean-Marie VRIET

Diaporama